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- 6 mai
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Par Yang Jun, journalist de Xinhua
6 mai 2025
Le 8 mai 2025 marquera le 80e anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie et de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. En cette date hautement symbolique pour la mémoire collective de l'humanité, le peuple chinois se souvient avec gratitude d'un homme français dont l'engagement est profondément lié à notre propre résistance : le docteur Jean-Augustin Bussière (1872-1958), connu en Chine sous le nom de Bèi Xīyè.
Médecin originaire de la région lyonnaise et installé en Chine dès les années 1920, le Dr Bussière choisit de rester dans le pays lors de l'agression japonaise en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale. En profitant des revenus obtenus en soignant des patients riches à Beijing, il a ouvert une clinique dans sa villa située en banlieue pour offrir des traitements gratuits aux habitants locaux., et il s’engagea auprès des forces de la Résistance chinoise, notamment les troupes de la Huitième Armée. . Il risqua sa vie pour soigner les blessés et transporter du matériel médical à travers des zones dangereuses, devenant ainsi un lien vital entre la Chine et la France dans la lutte commune contre le fascisme.
Grâce à ses privilèges diplomatiques, Bussière voyageait en voiture entre Beijing et sa villa située dans les collines, à 40km de la capitale, où il dirigeait également un dispensaire. En dépit des nombreux dangers, il acheminait des médicaments et des pansements depuis son hôpital Saint-Michel de Beijing vers son dispensaire, traversant les lignes ennemies japonaises.

"Lorsque les Japonais ont durci leur présence en Chine et interdit toute circulation, il n'y avait plus d'essence. Mon père ne pouvait plus utiliser sa voiture. Il a donc dû transporter, souvent accompagné de son chauffeur, les médicaments et les pansements à vélo jusqu'aux collines, et ce, jusqu'à la fin de la guerre", raconte son fils.
Le Dr Bussière n'a pas seulement apporté des médicaments. Il a aussi contribué à faire passer des armes aux combattants de la 8e Armée et a facilité le passage de Chinois voulant rejoindre la résistance, tout en fournissant des batteries de radio britanniques pour permettre aux troupes chinoises, cachées dans les collines, de rester en contact avec leurs supérieurs.
C'est justment comme ouvrir une « route du hump » à vélo, et ce geste de solidarité n'a jamais été oublié. En cette année de commémoration, la Chine rend hommage non seulement à ses propres héros tombés au champ d'honneur, mais aussi à ceux venus de loin, mus par une conscience universelle de la justice.

La Seconde Guerre mondiale, qu'elle ait eu lieu sur le théâtre asiatique ou européen, reste l'un des conflits les plus dévastateurs de l'histoire humaine. En Chine, plus de 35 millions de victimes civiles et militaires; en Europe, des villes réduites en cendres, des familles décimées et une culture européenne profondément marquée. Pourtant, au cœur de cette douleur, une lueur d'espoir a persisté : celle des peuples qui ont refusé la soumission et choisi de se battre pour la dignité humaine.
Pour la Chine, cette guerre fut une lutte existentielle. Dès 1937, bien avant l'entrée en guerre de nombreuses puissances mondiales, le peuple chinois résistait à l'agression japonaise. L'Asie de l'Est fut un front à part entière de la Seconde Guerre mondiale et la victoire sur le Japon en 1945 ne fut possible qu'à travers d'immenses sacrifices.
Aujourd'hui, 80 ans après, que nous enseigne encore cette guerre ? Elle nous rappelle que la paix est fragile, que les idéologies de haine peuvent resurgir à tout moment et que seule la solidarité entre les peuples peut y faire obstacle. Elle nous enseigne également que le respect de la souveraineté nationale, la coopération internationale et la mémoire partagée sont des fondements essentiels pour instaurer un ordre mondial juste.
Alors que la Chine et la France tous commémorent la victoire de la Seconde Guerre mondiale, cet événement historique, cette mémoire partagée de la guerre nous rappelle les racines profondes de notre amitié. Une amitié née dans la douleur de la lutte, mais nourrie par des valeurs communes : la liberté, le courage et la dignité.
A un moment où le monde traverse de nouveaux bouleversements, ravivé par les conflits, les divisions et les incertitudes, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale est un appel à la lucidité, à la vigilance et à l'espoir.
La guerre, qu'est-ce que c'est ? Mille personnes, mille raisons. Pour les Chinois, c'est un souvenir gravé dans leur cœur et pour les Français, c'est pareil. Je me souviens qu'il y a 20 ans, lors de la commémoration de la victoire de la Seconde Guerre mondiale à Dunkerque, j'ai interviewé un témoin local. "Cette année-là, j'avais 5 ans. Les bombardements allemands ont forcé toute notre famille à fuir, un énorme casque métallique couvrait ma tête", s'est souvenu un habitant répondant au prénom d'Albert. Lors du défilé, il s'est remémoré sans cesse cette époque. Il a raconté que les fuyards, tout au long du trajet, portaient tous des casques, marchant à travers la campagne, accompagnés par le bruit des explosions lointaines. Beaucoup d'enfants tremblaient sous leurs casques.
De nombreux anciens combattants de la guerre antifasciste, venus de France, du Royaume-Uni, de la Tchéquie et du Canada, ont également participé au défilé ce jour-là. Jean Bécard, un vétéran français, disait avec émotion que le bruit des pétards ce jour-là lui rappelait l'horreur de la grande retraite et le jour de la Libération, lorsque toute la ville dansait avec enthousiasme en chantant La Marseillaise.
Je me souviens que la femme de M. Bécard avait dit que ces commémorations étaient très importantes et qu'il était crucial que les générations futures connaissent cette histoire. Elle avait ajouté : "L'histoire se répète sans cesse et l'avenir n'est pas aussi merveilleux qu'une rose". Pour elle, il est essentiel de se souvenir de l'histoire afin d'éviter que nous ne revivions, aujourd'hui comme demain, les tragédies du passé.
Je suis d'accord. Le lien entre ces événements mémoriels en France et la reconnaissance de l'aide étrangère en Chine met en lumière une vérité universelle : la guerre a été un phénomène mondial et ses conséquences ont été vécues de manière tragique, mais partagée sur les deux hémisphères. Les commémorations de la Seconde Guerre mondiale, qu'elles se tiennent en France ou en Chine, sont des rappels du prix du courage et de la solidarité. Elles soulignent l'importance de la mémoire collective, non seulement pour honorer les sacrifices passés, mais aussi pour éviter la répétition des erreurs du passé.
En célébrant ces moments historiques, les nations réaffirment leur engagement à maintenir la paix et à promouvoir la coopération internationale, tout en rendant hommage à ceux, comme le Dr Bussière, qui ont dédié leur vie à la cause de la liberté. Fin




